Les conséquences de l’émergence de l’IA dans nos sociétés sont très contrastées. Les plus jeunes ont déjà bien compris tout l’intérêt qu’ils pouvaient en tirer. Au-delà des lieux communs, Jacques-Bruno Delaroche invite à voir l’IA sous un nouveau prisme.
« Cette peur ne doit pas empêcher l’Europe d’innover sur l’intelligence artificielle en empêchant les entreprises de travailler sur ces nouvelles technologies. »
L’IA est encore souvent dépeinte par les médias comme une menace, un danger pour notre civilisation. Elle apporte son lot de menaces, mais aussi de nombreuses solutions pertinentes. Le secteur de la cybersécurité en est l’exemple-type.
Les prouesses des grands modèles de langage que sont GPT 3.5, GPT 4 ou Google Bard donnent d’une certaine manière une vision un peu déformée de ce qu’est véritablement l’IA aujourd’hui. Si les réponses de ChatGPT apparaissent comme magiques, il ne s’agit que d’ une suite de mots répondant à une autre suite de mots sans compréhension ou libre arbitre.
En revanche, de nos jours, la menace informatique provoquée par ces technologies est une réalité tangible avec un véritable avant/après. Notamment, la qualité des SMS et des e-mails envoyés par les pirates s’est améliorée grâce aux IA génératives. Ces technologies peuvent générer des messages de plus en plus crédibles, ce qui augmente le risque de tomber dans le piège d’une URL malicieuse. La cybercriminalité est désormais devenue une véritable industrie, et l’utilisation de l’IA permet à ces professionnels de gagner un temps précieux. Elle leur permet même de concevoir de nouveaux scénarios d’attaque, dans le
but de passer inaperçus auprès des défenseurs de la sécurité informatique.
Nouvel argument marketing
Pour répondre à cette réalité, beaucoup de fournisseurs de solutions de sécurité ont fait de l’IA un mot magique, un argument marketing indispensable à toute solution qui se veut moderne. Certains mettent en avant l’IA alors qu’il s’agit bien souvent
que des simples réponses préenregistrées renvoyées automatiquement à l’utilisateur. A contrario, d’autres exploitent de véritables mécanismes proches de ce que l’on attend d’une IA, mais commercialisé sous un autre nom. L’algorithme se moque bien de vos habitudes. Il ne fait que créer un template, un modèle du comportement habituel de l’utilisateur, et déclenche une alerte si ce dernier en dévie. L’approche permet même d’anticiper ses actions et de combler à l’avance les failles de sécurité
potentielles avant que celles-ci ne soient exploitées.
Cette peur ne doit pas empêcher l’Europe d’innover sur l’intelligence artificielle en empêchant les entreprises de travailler sur ces nouvelles technologies.
De même, dans les SOC, ces centres qui veillent à la sécurité des entreprises, les algorithmes analysent d’énormes masses de données liées au fonctionnement des systèmes informatiques. L’IA n’a pas pour vocation de remplacer les analystes humains. C’est un outil d’analyse supplémentaire pour eux qui leur permet de se concentrer sur des tâches où l’on a besoin d’une expertise humaine.
Des intellectuels, de penseurs aiment à mettre en garde le public contre les dangers de l’IA, mais ils oublient de mettre en balance tous les bienfaits que celle-ci va apporter à l’humanité. Le débat sur l’IA en 2023 peut directement être mis en parallèle à celui qui a fait rage à la fin des années 1990 lors des débuts d’Internet . Ce dernier a eu des impacts certains sur le commerce, a engendré une nouvelle criminalité, mais l’impact positif sur nos sociétés a été énorme.
Tirer profit de l’IA
Cette peur ne doit pas empêcher l’Europe d’innover sur l’intelligence artificielle en empêchant les entreprises de travailler sur ces nouvelles technologies. Le secteur de la cybersécurité est en train d’en faire la démonstration : l’IA permet de déjouer des
attaques informatiques tous les jours. Ce potentiel de développement est immense dans les autres secteurs d’activité, notamment l’industrie et le médical. Vouloir brider ou verrouiller les usages de l’IA dans l’Union Européenne serait une grave erreur.
Non seulement il s’agit de marchés mondiaux et l’Europe prendrait un retard considérable par rapport aux Etats-Unis, aux pays asiatiques, mais il ne faut pas comparer l’IA à la boîte de Pandore qu’il ne faut surtout pas ouvrir. Bien au contraire, chacun de nous doit s’emparer de l’IA, doit apprendre à l’utiliser, tester des services comme ChatGPT, MidJourney. Les plus jeunes ont déjà bien compris tout l’intérêt qu’ils pouvaient tirer de l’IA, ne serait-ce que pour les aider à faire leurs devoirs.
Si les générations en poste dans les entreprises ont peur d’être remplacées par des IA et rejettent en bloc cette évolution, leurs successeurs sauront comment en tirer profit et travailleront en s’appuyant sur ces outils. Chercher à interdire ou à limiter trop les usages de l’IA est à mon sens une erreur. Plus on connaît l’IA, plus on en perçoit les limites et mieux on peut espérer la contrôler.
Par Jacques-Bruno Delaroche, avant-ventes chez Exclusive Networks.